On trouve il est vrai beaucoup de témoignages de personnes guéries grâce à l'argent colloïdal. Leurs déclarations sont d'autant plus convaincantes que l'argent est réputé pour ses vertus antiseptiques (j'y reviens plus loin) ;
Mais les médecins rationalistes dénoncent l'argent colloïdal comme un poison. Ce serait une arnaque, permise par l'absence de scrupule des commerçants, et la naïveté des adeptes de santé naturelle.
L'argent colloïdal n'ayant aucune efficacité scientifiquement démontrée, il faut l'éviter selon eux, d'autant plus qu'il cause l'argyrisme.
L'argyrisme est une maladie irréversible. La peau et les yeux prennent une coloration gris bleu, couleur d'ardoise, à cause des particules d'argent qui s'accumulent dans les tissus et s'oxydent.
Le danger du risque zéro
« Ne prendre aucun risque », c'est le conseil facile à donner quand vous êtes confortablement assis derrière votre bureau.
Un patient arrive dans votre cabinet. Il souffre comme une bête. Il a tout essayé. Rien ne marche.
Désespéré, il se tourne vers la « magnétothérapie » (soigner avec des aimants) ; « la lithothérapie » (soigner avec des pierres) ; la « gemmothérapie » (soigner avec des bourgeons) ; la « nutrithérapie » (soigner avec des nutriments) ou... l'argent colloïdal.
Le médecin de 40 ans, sûr de sa science, le regarde d'un air peiné : « il n'y a aucune base scientifique !! »
Et il en rajoute : « Méfiez-vous, les médecines parallèles sont une autoroute vers les sectes ».
Et enfin, le coup de grâce : « Vous risquez l'empoisonnement ! »
L'espoir des approches alternatives
Rien de plus facile que d'expliquer que tel remède naturel ne marche pas, qu'il faut l'éviter pour éviter les risques.
Mais qui pense au « risque », pour le malade, de rester dans la souffrance, sans aucun espoir de guérison ?
Quand on a tout essayé, on ne peut pas se permettre de passer à côté d'un traitement qui pourrait vous guérir, même si les chances sont faibles.
Et c'est la raison pour laquelle je vais tout de même défendre l'argent colloïdal.
L'argent colloïdal : un danger très limité
D'abord, il faut couper court à la paranoïa sur l'argyrisme.
Cette maladie, décrite sur les sites médicaux officiels comme une grave menace pour les personnes utilisant l'argent colloïdal, est rarissime.
Dans la littérature scientifique, on ne recense aucune épidémie, phénomène massif.
On en parle parce que c'est spectaculaire, comme les bébés qui naissent avec deux têtes, ou les personnes qui se mettent à parler chinois après avoir reçu un violent coup sur la tête.
C'est pain béni pour les émissions de divertissement. Un homme frappé d'argyrisme aux Etats-Unis, après avoir volontairement avalé des quantités astronomiques d'argent, est devenu une star des plateaux-télé. Appelé Paul Karason, on le surnommait « Grand Schtroumpf » à cause de sa couleur bleu-gris.
Un homme qui s'est fabriqué lui-même de l'argent colloïdal ultra-concentré et en a consommé des années est devenu bleu-gris et passait à la télévision américaine sous le surnom de « Grand Schtroumpf »
Mais les photos qu'on trouve de lui sur Internet sont retouchées. A la télévision, il était maquillé et bénéficiait d'un éclairage spécial pour faire de l'audimat.
Pour trouver des cas d'argyrisme, il faut fouiller dans la littérature médicale. Il y avait autrefois des gouttes nasales contenant de l'argent. C'était un médicament autorisé, qui fut retiré du marché après que plusieurs victimes soient frappées d'argyrisme. Aujourd'hui, il s'agit en général de personnes ayant avalé de grandes quantités d'argent sur de longues périodes : un litre par jour pendant dix-huit mois, par exemple, ou plusieurs grammes par jour pour « l'homme schtroumpf », en ayant fabriqué eux-mêmes leur argent colloïdal très concentré.
Mais ce n'est pas l'usage normal de l'argent colloïdal, qui n'apporte qu'une fraction de milligramme d'argent.
L'argent colloïdal qu'on trouve dans le commerce contient en effet des concentrations allant de 6 mg/l à 30 mg/l et il est surtout utilisé en application externe (sur la peau).
En usage oral, il est interdit en France. Les recommandations thérapeutiques que l'on trouve malgré tout conseillent au maximum 1 cuillère à soupe (5 ml) trois à quatre fois par jour, ce qui représente 0,2 mg d'argent.
Vous n'avez aucune possibilité avec ça, même si vous le vouliez, de devenir bleu-gris. L'EPA (agence de protection de l'environnement américaine) indique qu'il n'y a aucun risque en dessous de 5 microgrammes d'argent par kg quotidien, soit 0,3 mg par jour pour une personne de 60 kg.
En tout état de cause, ne jamais utiliser l'argent colloïdal, surtout sous forme orale, plus que 5 jours de suite.
Si l'intoxication devait se produire malgré tout
Si, malgré cela, une personne venait à être touchée par l'argyrisme, il est important de savoir que le problème est en général définitif. La seule « consolation » pour la personne est que la coloration de la peau n'entraîne a priori pas de conséquence autre qu'esthétique.
Je ne minimise évidemment pas l'inconvénient. Mais il n'y a pas d'autre symptôme, c'est important de le savoir.
Usages traditionnels de l'argent
Alors, d'où vient donc la popularité de l'argent colloïdal, puisque, je le répète, il n'y a pas d'études scientifiques démontrant son efficacité, et que cela pourrait être dangereux ?
Elle vient de très loin.
Depuis l'Antiquité, l'argent est le métal noble par excellence pour la vaisselle et les couverts.
Phéniciens, Grecs et Romains utilisaient des « cratères » en argent pour conserver l'eau, le vin et le vinaigre, c'est-à-dire de grandes vasques. Jusqu'à très récemment en Europe, les nouveau-nés dans les familles riches recevaient une timbale en argent à leur baptême, ainsi qu'une cuillère en argent, puis plus tard un rond de serviette. De même on plaçait une pièce d'argent au fond des pot-au-lait et d'autres récipients qui contenaient des aliments pour en préserver la fraîcheur.
Ces traditions solidement installées doivent d'autant plus surprendre que l'argent n'est pas pratique. Il est cher, il ternit rapidement, demande un entretien régulier, il est fragile. On ne peut faire une lame de couteau en argent.
Mais nos ancêtres avaient compris que l'argent les protégeait contre certaines infections.
C'est certainement la tradition du thé servi dans des théières en argent qui a permis aux officier de l'armée coloniale britannique de résister aux miasmes tant en Afrique, en Inde, à Hong-Kong et partout ailleurs. Les cow-boys d'Amérique mettaient aussi, raconte-t-on, une pièce d'argent au fond de leurs chaussettes, la nuit, pour supprimer les odeurs.
L'argent empêche les bactéries de former des liaisons chimiques essentielles à leur survie. C'est pourquoi on utilise des bandages chargés en ions d'argent pour favoriser la guérison des plaies, en particulier en cas de brûlure. L'ion Argent présente un large spectre d'action anti-microbien, contre les bactéries Gram négatif et Gram positif, certaines moisissures et levures. Le fabricant de pansement Urgo propose des pansements imprégnés de sels d'argent.
L'argent a aussi de nombreuses applications industrielles : filtres à eau, décontamination des réseaux d'eau, désodorisation.
Avant la découverte des antibiotiques, l'argent colloïdal fut utilisé en médecine conventionnelle. Il ne fut retiré des manuels de médecine qu'en 1975. Aujourd'hui, avec la montée des résistances aux antibiotiques, il est logique qu'il connaisse un regain d'intérêt.
Argent colloïdal : qu'est-ce au juste ?
Un colloïde est un liquide dans lequel flottent des particules en suspension. C'est différent d'une « solution » où les particules sont dissoutes. Ainsi par exemple, si vous mettez du sel dans l'eau, le sel se dissout. Mais si vous en rajouter jusqu'à saturation, et que de petits grains de sels restent en suspension, vous obtenez un colloïde.
Le sang est un colloïde, puisque des globules rouges et blancs flottent dans le plasma, sans y fondre. De même le lait est un colloïde : de minuscules billes de graisse flottent dedans, qui ne se mélangent pas au petit-lait.
L'argent colloïdal est de l'eau dans laquelle se trouvent de minuscules grains d'argent métallique et d'ions argent en suspension.
Les scientifiques reprochent à l'argent colloïdal de ne contenir que des particules métalliques d'argent inactif, alors que les effets antibactériens démontrés de l'argent s'obtiennent avec des ions argent. [5]
C'est leur argument pour dénoncer ce produit comme inefficace.
Pourtant, les fabricants de leur côté assurent utiliser des techniques d'électrolyse pour fabriquer l'argent colloïdal, aboutissant à une solution contenant environ 90 % d'ions argent et 10 % de particules d'argent métallique.
Dans ce cas, il semble que la critique des scientifiques soit infondée. Or, par ailleurs, des recherches scientifiques ont montré un effet spectaculaire de l'argent :
L'argent multiplie par mille la puissance des antibiotiques
Selon James Collins, de l'université de Boston, [6] l'argent augmente la perméabilité des membranes des bactéries. Cela permet aux molécules environnantes d'y entrer plus facilement.
Il explique que c'est vrai en particulier des antibiotiques. Selon une étude publiée dans Science Translational Medicine, leur efficacité pourrait être ainsi multipliée par un facteur allant de dix à mille. [7]
Ainsi certaines bactéries résistantes aux antibiotiques succombent en présence d'argent : c'est le cas des bactéries Escherichia coli connues pour supporter la tétracycline, ainsi que les bactéries à Gram négatif, qui disposent d'une membrane supplémentaire qui bloque l'accès des grosses molécules antibiotiques comme la gentamicine et la vancomycine.
En cas d'infection bactérienne persistante, il peut donc être intéressant d'envisager de prendre de l'argent colloïdal pour augmenter l'efficacité des antibiotiques.
Usage de l'argent colloïdal
L'usage oral de l'argent colloïdal est interdit en France. Mais l'argent colloïdal se trouve dans le commerce pour être utilisé en application externe pour les inflammations de la peau : eczéma, mycoses, acné, brûlures, piqûres et plaies ouvertes.
Il peut être utilisé pour les irritations des yeux (conjonctivites, une goutte dans chaque œil), des oreilles (quelques gouttes), de la bouche, du nez, de la gorge (gargarismes, recracher ensuite). Encore une fois, les études scientifiques dans ce domaine ne sont pas probantes, mais il n'y pas de risque à essayer quelques jours de suite.
Le pharmacien Jean-Patrick Bonnardel, dans son ouvrage « L'argent colloïdal, alternative naturelle aux antibiotiques » (Dangles Editions, 2013), donne les indications suivantes :
Selon lui il n'y a pas de contre-indication pour les femmes enceintes et allaitantes mais précise : « L'usage externe est autorisé en portant la mention usage externe, ne pas avaler, le consommateur averti fera ses choix. »
Malgré les interdictions des Autorités de Santé, l'argent colloïdal n'a pas dit son dernier mot.
Les experts qui balayent ce traitement d'un revers de la main, et qui se moquent des personnes qui l'utilisent avec succès, pourraient bien se retrouver, demain, un peu ridicules !!
Merci à Jean-Marc Dupuis pour ce bon article !
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